« Chère Virginie, Il y a un an vous m’avez envoyé une
lettre merveilleuse… ».
C’est ainsi qu’en mai 2009, Anna Gavalda, écrivaine à
succès, répondait à une lettre que je lui avais écrite un an plus tôt et remise
lors d’une présentation de son livre La Consolante.
J’ai toujours été une lectrice de romans car j’aime partager
ces histoires du passé ou du présent, pures fictions dans lesquelles pourtant
l’écrivain livre une partie de lui-même.
Beaucoup des auteurs que j’ai lus
jeune étaient déjà morts ou trop vieux pour que je puisse lire à travers eux.
J’ai uniquement pu les découvrir et peut-être les comprendre un peu à travers
les biographies consacrées sans jamais
aller plus loin.
Et puis un jour, j’ai lu Ensemble
c’est tout et j’ai été touchée. Touchée par le livre et cette histoire de
jeunes gens qui ont la grâce mais qui ne le savent pas, mais touchée encore
plus par ce que j’ai ressenti de l’auteur.
Quelques années après, j’ai découvert La Consolante et j’ai tout aimé de cette histoire à la fois
triste et heureuse.
J’ai dévoré le livre mais plus encore j’ai lu à travers les
lignes, comme un écho de ce que je pouvais ressentir.
A cette époque,
j’étais une jeune femme peu sûre de moi, qui n’arrivait pas à trouver sa place
incapable de voir cette étincelle qui était en moi comme en chacun de nous.
Mais ma sensibilité me pousse parfois à faire certaines choses comme d’écrire une lettre à une personne que
j’admire, personnage public au risque d’être
noyée parmi les commentaires d’autres fans.
Alors quand Anna Gavalda est venue présenter son livre dans
la librairie de mon quartier, j’avais préparé une lettre. Cette lettre je ne me
rappelle plus vraiment ce qu’elle racontait si ce n’est que je lui parlais de
ses mots que j’aimais, de ses personnages si forts, de ses vies mêlées et je
lui ai aussi parlé d’elle, de son travail d’écrivain qui réchauffait les cœurs,
de cette façon de faire passer les émotions comme je ne l’avais ressenti nulle
part ailleurs.
Elle est arrivée, très en retard, comme tout juste sortie de
l’un de ses romans, semblant presque s’excuser d’avoir écrit un livre à succès.
Elle était grande, simple, gentille et touchante. J’ai fait la queue pour faire
dédicacer mon ouvrage et je lui ai remis, tremblante, ma lettre où figurait mon
adresse. Je lui ai certainement dis une banalité sur le fait que j’aimais ses
livres.
Je ne sais pas ce que j’attendais d’elle et je crois que
simplement le fait de savoir que cette auteur que j’aimais allais pouvoir lire
mes mots, que nous allions par lettre interposée partager un moment ensemble me
suffisait. Je n’attendais même pas une réponse.
Ironie du sort, entre le moment où je lui ai remis la lettre
et le moment de sa réponse, j’avais déménagé et j’aurai pu ne jamais la recevoir,
le délai de suivi du courrier ayant été prescrit.
Mais ma lettre a été plus qu’un simple monologue puisqu’elle est devenue sa « fleur d’oranger, sa compresse au calendula… ». Car, en effet, Anna Gavalda a fait plus que me lire, elle m’a aussi répondu.
Une lettre manuscrite et authentique sur laquelle se
mêlaient des mots, ses mots que j’aimais déjà tant dans ses livres, et des
dessins.
Anna Gavalda m’avait fait entrer dans son univers et m’avait
ouvert une porte sur son jardin.
J’ai lu et relu cette lettre, ces mots qui m’étaient destinés,
choisis avec tellement de soin et de naturel. Elle m’a aussi partagée un peu
d’elle et de la lourde tâche d’être écrivain, encore plus d’être un écrivain à
succès.
Car l’écrivain, le vrai n’est pas celui qui en impose par
une emphase et des effets de langage ou des traits d’esprit. Le véritable
écrivain est celui qui sait parler au cœur des autres, celui qui prend le temps
de regarder, celui qui s’intéresse aux gens, celui qui les vit. L’écrivain est
une personne à part entière avec sa propre vie mais il est aussi doté d’une
empathie hors du commun qui lui permet de parler un langage universel.
Parce que cette lettre m’a touchée non pas seulement parce
qu’un célèbre auteur avait pris la peine de me répondre, mais plutôt par ce
qu’elle m’a dit, comme si elle avait lu en moi.
Après cette lettre je n’ai plus été tout à fait la même et
comme d’autres petits moments de la vie qui font que nous avançons et
progressons, elle a mis une petite pierre à ma maison intérieure.
Je l’ai rangée, je ne l’ai pas relue pendant des années mais
je savais qu’elle était là, qu’elle m’attendait.
Les mots qui y étaient posés sont toujours là et me touchent toujours autant même des années plus tard.
J’ai toujours aimé écrire et recevoir des lettres, j’ai
entretenu des longues correspondances avec des copines de vacances pendant des
années, j’ai souvent écrit à ceux que j’aime. J’ai conservé toute cette
correspondance de mon passé dans une boite. Je ne les ai jamais relues,
elles sont les vestiges de toutes les
périodes de ma vie. Je pense qu’un jour, quand je serai vieille, je les
ressortirai et je les relirai un peu comme on lit le roman de sa vie…
Mais pour
le moment, elles vivent leur vie sans moi, mêlant les époques et les
personnages, enfouis dans cette boite à souvenir.
Cette lettre écrite par Anna Gavalda est l’un des
ingrédients secrets qui composent la formule de ma vie.