Dans notre monde moderne, le goût pour la compétition est
une valeur. On encourage les enfants dès leur plus jeune âge à se mesurer entre
eux, se comparer, se défier, se dépasser, faire mieux que l’autre…. Toutes
sortes de qualificatifs qu’on a tendance à grouper sous le terme de
« compétition ». Aucun milieu social, aucun sport ou activité ne
semble échapper à cette injonction et pour beaucoup de parents c’est même une
notion qu’ils ont envie d’inculquer à leurs enfants.
Tout est organisé pour que les enfants développent leur
compétitivité d’ailleurs : peu de sports sont proposés sans que les
enfants ne doivent passer par cette étape, beaucoup d’émissions de TV qu’ils
adorent sont basées sur l’idée de compétition (The Voice, The Voice Kids,
DALS…). A la maison, il n’est pas rare qu’ils entendent que dans la vie, il
faut bien travailler, tout faire pour être le premier. A l’école, l’esprit de
compétition est également omniprésent mais il est souvent interdit de le dire
tout haut. S’il est vrai que les enseignements actuels tentent de minimiser
cette notion, parfois lourde à supporter par les enfants, beaucoup de discours
notamment dans le Supérieur vont dans le sens contraire. C’est la course aux
bons collèges puis aux bons lycées, l’obligation d’excellence, le nombre de
places limitées dans telle ou telle section…
Même les loisirs n’y échappent pas avec par exemple les
écoles de ski où les parents s’empressent d’inscrire leurs enfants à la
conquête de chamois et autres flèches !
La compétitivité est un mode de vie, a « way of
life » dans notre monde qui en dit long sur ce que nous sommes et nous
voulons dans un avenir commun. « Nés pour gagner », « être le
meilleur », « être le premier », tout un vocabulaire qui est
attaché à la notion de compétition et qu’on trouve facilement dans les
publicités, à la télévision ou sur les réseaux sociaux...
C’est un sujet que j’avais envie d’aborder depuis longtemps
mais je n’avais pas trouvé encore le temps ou le prétexte…
Et puis mardi matin, notre fils ainé qui est par ailleurs
très sportif avait un cross au collège. Il nous l’a dit sans mettre de forme,
il avait envie de gagner ! Il a étudié le trajet, identifié ses éventuels
adversaires, choisi un petit déjeuner adapté… Bref il s’est préparé comme un
champion avec toute la concentration qui va avec et… il a gagné ! Car
notre fils est comme ça, un genre de force tranquille qui aborde la compétition
comme certains vont acheter le pain !
Pour être très honnête, nous avons un regard très critique
sur la notion de compétition car elle est souvent dans la réalité assez
violente. Combien de parents ai-je vu pousser leurs enfants pour qu’ils gagnent
au point d’en oublier la notion de plaisir ? Combien d’enfants ont très
tôt la volonté de se mesurer à l’autre… La compétition se fait rarement dans la
sérénité.
J’ai toujours détesté la compétition enfant surtout dans le
sport. J’ai fait de la gymnastique et j’avais un certain niveau mais j’ai
arrêté quand il a fallu que j’aille faire des compétitions. Mon professeur
avait beau m’encourager, je trouvais toujours des excuses pour éviter cette
échéance… Cela était valable pour toutes les activités où je devais me mesurer
à un autre… la fuite plutôt que la confrontation, s’effacer plutôt que de
devoir éliminer l’autre. Car chez moi, ce n’était pas le fait de me dépasser ou
de produire de l’excellence qui était un problème mais bien plutôt un handicap
lié à une extrême empathie pour l’autre… Pourquoi est-ce que pour gagner, il
faudrait que l’un perde ? Je pense que je ne tiendrais pas plus de 2 jours
à Koh Lantha (sorte de sacrifiée sur l’autel de la gagne) !
Par contre, j’ai
toujours été très à l’aise pour parler en public, présenter des oraux… Je crois
qu’être seule face à moi-même est plus facile.
Mon mari a une vision beaucoup plus macro de la chose :
il excelle dans beaucoup de domaines mais ne ressent pas le besoin de se
confronter à l’autre… Pourtant il encourage parfois nos enfants à se confronter
à l’autre dans le cadre de compétitions organisées et cadrées. Il les soutient
et les coache non pas seulement pour qu’ils gagnent mais surtout pour qu’ils s’appliquent
à faire de leur mieux tout en apprenant.
Comme je vous l’ai dit, notre fils est très serein face à un
challenge surtout quand il pense avoir ses chances. Je pense qu’au fond, c’est
le plus compétiteur de la famille mais sans pour autant se revendiquer comme
tel. Quand il a décidé qu’il avait son avantage, il peut déployer concentration
et énergie et nous épater ! C’est
d’ailleurs un enfant qui nous ramène souvent des médailles ou qui reçoit des
compliments sur ce qu’il fait. Il a
compris que parfois si on veut sortir du lot, il faut un peu se dépasser… Pour
autant, je ne crois pas qu’il soit animé par la volonté de gagner sur l’autre.
Il fait du karaté depuis qu’il est tout petit et je pense que ce sport de
combat lui a appris à comprendre qu’on peut gagner une fois et perdre l’autre.
Il a des clés de compréhension que seuls les pratiquants d’arts martiaux
peuvent comprendre.
Quant à notre fille
ainée, elle est très scolaire, elle aime bien réussir. Elle déteste perdre aux
jeux par exemple. Il est important pour elle de se distinguer, de faire de son
mieux mais elle place son sens de la compétition dans ce qu’elle a choisi.
Alors même que nous ne sommes pas des accros à la compet,
nos enfants ne sont pas réticents à se mesurer à l’autre mais cela ne les
obsède pas… Et en tant que parents, nous avons dû prendre position sur ce sujet :
leur apprendre à se faire une place sans pour autant écraser l’autre, leur
expliquer notre position tout en respectant la leur.
Nous les accompagnons avec bienveillance, leur apportons
notre soutien total lorsque l’envie de compétition les saisit mais notre
discours est assez clair.
La compétition doit être une affaire personnelle et surtout
ne pas être une réussite du parent par procuration. Dans le sport surtout, il
n’est pas rare de voir des parents revivre leurs propres espoirs et cela peut
vraiment être dangereux pour l’enfant…
La notion de compétition est tellement complexe que je
préfère parler aux enfants de dépassement de soi et de plaisir de bien faire.
Ne pas en avoir peur, ne pas l’aduler, ne pas en faire un
but mais plutôt un moyen.
Rester loyal, rester humble , s’aimer pour aimer l’autre…